Jacques THIBAUD
27.09.1880, Bordeaux - 01.09.1953, Mont Cimet
Violoniste et pédagogue de nationalité française
Les deux frères aînés de Jacques Thibaud sont musiciens et son père est professeur de violon: c'est avec eux qu’il prend ses premières leçons. Il fait ses débuts en public à l’âge de huit ans en jouant des oeuvres de Charles de Bériot et d’Henri Vieuxtemps.
À douze ans, il est présenté à Eugène Ysaÿe devant lequel il joue le Deuxième Concerto de Wieniawski. Émerveillé par son talent, le maître belge lui conseille de poursuivre ses études au conservatoire de Paris. Il entre donc en 1893 dans la classe de Martin-Pierre Marsick d’où il sort trois ans plus tard avec un premier prix.
Après avoir été violoniste dans l'Orchestre du Châtelet, il est engagé par Edouard Colonne dans son orchestre, est nommé chef d’attaque des seconds violons en alternance avec son ami de conservatoire Jules Boucherit. C'est à la faveur d'une circonstance providentielle qu'il devient violon solo: Rémy, alors titulaire du poste, se trouvant souffrant, Thibaud doit le remplacer au pied levé: c'est un triomphe, qui marque le départ de sa carrière de soliste. C’est également à cette époque qu’il se lie d’amitié avec Fritz Kreisler et Georges Enesco.
Quelques jalons marquants de sa vie:
- 1899, son interprétation des Concertos de Mendelssohn et de Bruch attire l’intérêt de l’impresario allemand Herman Wolf qui l’invite à jouer à Berlin. Coïncidence: Joseph Joachim vient d'annuler au dernier moment son concert dans la salle voisine, Jacques Thibaud le remplace, c’est un triomphe!
- 15 mars 1900, il joue en compagnie de son ami Georges Enesco le Double Concerto de J. S. Bach; quelques mois plus tard, il fait ses débuts à Bruxelles à l’invitation d’Eugène Ysaÿe.
- 1902, une tournée triomphale en Allemagne, suivie d’une tournée dans toute l’Europe où il donne une centaine de concerts.
- 1902, année de son mariage, Eugène Ysaÿe est son témoin. En cadeau de noces, son épouse lui offre un Stradivari de 1709 ayant appartenu à Pierre Baillot, dont il ne séparera jamais (une cinquantaine d'années plus tard, ce violon va être détruit dans l'accident d'avion où Jacques Thibaud a trouvé la mort).
- novembre 1903, débuts aux États-Unis, il joue pendant trois mois sur la côte est où il est acclamé à chaque concert. La critique américaine loue le raffinement et la subtilité de son jeu, sa grâce sonore et son goût exquis.
- 1906, rencontre légendaire avec le pianiste Alfred Cortot et le violoncelliste Pablo Casals, qui forment un trio qui se produira jusqu’en 1933
- 1909, Jacques Thibaud joue en duo avec le pianiste et compositeur espagnol Enrique Granados, et joue aussi régulièrement en sonate avec Cortot.
- 1914, tournée en Amérique du Nord, qui est un nouveau triomphe. À son retour en France éclate la guerre, il s’engage et il est affecté à l’état-major. Grièvement blessé à la fin de 1915, il est réformé après quelques mois. Il est alors envoyé aux États-Unis pour une tournée de propagande destinée à soutenir l’effort de guerre de la France. Il va rester quatre ans outre-Atlantique, se produisant sur toutes les scènes, adulé par le public américain. Au cours des années 1920, il multiplie les tournées en Europe et en Amérique tout en poursuivant ses activités de chambriste avec ses amis Cortot et Casals.
- 1921, Jacques Thibaud est nommé professeur à l’École normale de musique de Paris (fondée deux ans plus tôt par Cortot), poste qu’il occupera jusqu’en 1934.
- 1923, il refuse la proposition qui lui est faite par Alexandre Glazounov de reprendre la chaire de violon du conservatoire de Leningrad, laissée vacante quelques années plus tôt par Leopold Auer.
- 1928, un tour du monde qui le conduit jusqu’en Chine et au Japon.
- 1933, Jacques Thibaud refuse de se produire en Allemagne où les lois raciales interdisent à ses amis Kreisler, Elman et Artur Rubinstein de jouer en public.
- 1935, tournée en Amérique du Sud, l’année suivante un nouveau tour du monde.
- 1939, la Seconde Guerre mondiale interrompt sa carrière internationale; il refusera toujours les propositions de concert en Allemagne et se fâchera même avec Cortot, dont la position au sein du gouvernement de Vichy le révolte.
- 1943, il fonde avec la pianiste Marguerite Long le concours international «Marguerite Long - Jacques Thibaud».
Après la guerre il poursuit son intense carrière de concertiste. En 1951 et 1952 il est chargé de cours d'interprétation à l'Académie Chigiana de Sienne.
Le 1er septembre 1953 il décède dans un tragique accident d'avion près de Barcelonnette, l’avion aurait du le conduire en Extrême-Orient et en Indochine.
Plusieurs compositeurs ont écrit à son intentions des oeuvres qu'il a donné en première audition: entre autres les sonates pour violon et piano de Georges Enesco (n° 2, 1899), Enrique Granados, Gabriel Pierné (1901), Albert Roussel (n° 1, 1910), Germaine Tailleferre (n° 1, 1922), la Sonate pour violon seul n° 2 (1924) d'Eugène Ysaÿe, la rhapsodie pour violon et piano (1922) de Silvio Lazzari, la Fantaisie basque pour violon et orchestre (1927) de Gabriel Pierné et une danse espagnole originale de Granados.
Jacques Thibaud laisse une importante discographie, s'étendant de 1905 à 1953, comprenant des enregistrements de Concertos de Bach, Brahms, Mozart, du Concert et du Poème de Chausson, de la Symphonie espagnole de Lalo, des sonates de Beethoven (n° 9), Debussy, Eccles, Fauré (n° 1), Franck (avec Alfred Cortot), Mozart (K 378 & 526), ainsi que de nombreuses miniatures de charme et de virtuosité d’Albéniz, d’Ambrosio, Fauré, Granados, Marsick, Saint-Saëns, Schubert, Vieuxtemps, Vitali, ou Wieniawski. Par ailleurs le trio Cortot-Thibaud-Casals a enregistré six oeuvres de Beethoven, Haydn, Mendelssohn, Schubert et Schumann entre 1926 et 1928.
Principales sources:
- Alain Pâris, Dictionnaire des interprètes, 2015
- Jean-Michel Molkhou, Les grands violonistes du XXe siècle, tome I, 2011
