La Concert Hall Society et la Musical Masterpiece (ou Masterworks) Society étaient, dès l’origine, des labels spécialisés dans la musique classique. Devant son succès, la Musical Masterpiece Society se développa en Europe, puis dans le monde entier. Son principe était basé sur la vente de disques par correspondance.
Origine
À l'origine est une société fondée par les frères Sam et David Josefowitz, ce dernier étant violoniste puis chef d’orchestre. Ils créèrent dès 1947 le premier «club» du disque au monde, en enregistrant et en diffusant des oeuvres de base du grand répertoire classique:
* d’abord la «Haendel Society» diffusée vers 1950, essentiellement aux USA)
* puis la «Concert Hall Society» ou «Concert Hall».
Initialement, les enregistrements étaient gravés sur disques 78 tours/mn.
L’innovation fut l'apparition du disque microsillon vinyle, véritable révolution, car fabriqué en vinylite incassable et tournant à la vitesse de 33 tours/ min. Ces Disques LP (acronyme de Long Playing) pouvaient être facilement envoyés par la poste, alors que la plupart des disques de cette époque étaient très fragiles. Au début, certains disques étaient pressés sur vinyle noir, d’autres - plus spécialement des éditions en tirage limité- sur vinyle rouge.
Ces labels eurent un succès rapide sur le marché américain. Un des premiers disques fut les «Quatre Saisons»de Vivaldi, enregistré fin décembre 1947 à New York, Carnegie Hall, interprété par le violoniste Louis KAUFMAN avec des membres de l’orchestre philharmonique de New York («Musical Masterpiece orchestra») dirigé par Henry SWOBODA. Ce disque eut un grand succès et atteignit des records de vente dans de monde - 3000 exemplaires vendus - et en plus, c’était le premier enregistrement mondial de ces oeuvres. Il obtint un Grand Prix du Disque.
Quelques temps après, Concert Hall s’est mis à la production de nouveaux disques en Europe et la société s’y est développée. Pour les enregistrements du répertoire la société a, au début, envoyé en Europe des artistes-maison avec les ingénieurs, et a fait enregistrer ses propres disques.
En Europe, le label enregistra, d’abord en Suisse, avec les orchestres suivants:
* l'Orchestre symphonique de Winterthur (l'actuel Musikkollegium Winterthur)
* l’Orchestre de la Tonhalle de Zürich
* l’orchestre de Radio Zürich (qui a entretemps disparu)
Simultanément le label se mit à enregistrer aux Pays-Bas, notamment avec:
* l’orchestre Symphonique d’Utrecht
* l’Orchestre Philharmonique Néerlandais (ou «des Pays-Bas»).
Ce dernier était un orchestre formé de musiciens de divers orchestres de radios néerlandaises, avant tout de Radio Hilversum, et n'est pas à confondre avec l'actuel "Nederlands Philarmonisch Orkest", qui n'a été formé que bien plus tard, en 1985, par la fusion de l'Orchestre Symphonique d'Utrecht - mentionné ci-dessus - avec l'Orchestre Philarmonique d'Amsterdam et l'Orchestre de Chambre Néerlandais. Beaucoup de ces enregistrements ont été faits à Hilversum.
L'orchestre était aussi parfois désigné par des noms tels que «Orchestre de la Haendel Société», «MMS Symphony Orchestra», «Concert Hall Orchestra»: il n'est aujourd'hui pas toujours possible d'identifier formellement l'orchestre en question, les archives ayant été perdues ou n'étant pas accessibles librement.
En Suisse comme aux Pays-Bas, les chefs d’orchestre qui dirigeaient étaient, le plus souvent:
Walter Goehr, Carl Bamberger, Henry Swoboda, les chefs suisses Otto Ackermann, Clemens Dahinden et Victor Desarzens, et des chefs néerlandais comme Paul Hupperts (à Utrecht) et Henk Spruit .
Parmi les solistes il y avait souvent:
* les pianistes Noel Mewton-Wood, Artur Balsam, Grant Johannesen, Hannes Kann, Robert Goldsand, Sondra Bianca, Philippe Entremont, entre autres...
* les violonistes Louis Kaufman, Ricardo Odnoposoff, Manoug Parikian, Igor Ozim, entre autres...
Certains vinrent spécialement des USA pour enregistrer avec ces orchestres européens, en Suisse et aux Pays-Bas.
LES DISQUES MICROSILLONS
MMS présenta, au début, 3 formats de disques:
* Le format initial préféré pour la société, et le plus populaire, était le format des vinyles LP de 25cm (10 pouces).
Ce format avait trois avantages:
- d'abord la durée: jusqu'à 20 minutes de musique par face, légèrement inférieure à la moyenne de celle des LP de 30 cm.
- deuxièmement, il était moins cher à produire,
- troisièmement, il était plus facile à l’envoi!
Ci-contre: la pochette du tout premier disque de cette série, le MMS 1 (pour les enregistrements de ce disque voir dans les pages consacrées à Walter Goehr, KV 425 et KV 600)
Les disques 25 cm disparurent vers 1955-56 (ce qui fut le cas pour la plupart des labels commercialisés dans ce format).
* Le format habituel des disques vinyles LP de 30 cm (12 pouces) se développa simultanément jusqu’à supplanter le format 25 cm. Ils pouvaient contenir jusqu’à 30 mn de musique par face.
* Le format 7 pouces: le label fut un des rares à éditer aussi, dans les premières années, des microsillons 33 tours Vinyles LP de 17,3 cm (7 pouces), pouvant contenir des oeuvres de courte durée: 8 minutes par face. Le plus souvent ces disques de petit format étaient fournis dans une simple pochette plastique (photo ci-contre).
Les pochettes des disques étaient au début très simples, sans photos: au recto de toutes les pochettes, une représentation de 9 compositeurs (voir la photo ci-dessus, à gauche), et au centre, on pouvait lire le nom des oeuvres et le nom des interprètes.
Ce n’est que plus tard, vers 1957-1958, que les présentations s’améliorèrent et on vit apparaitre des pochettes illustrées, pour pouvoir mieux concurrencer les autres labels.
Par contre, dès les premières années, on put lire, au verso de la pochette, d’excellentes notes musicologiques sur le compositeur, l’oeuvre interprétée, et les interprètes.
Stratégie de vente et prix
La stratégie de vente était simple: aucun engagement d'achat spécifique n’était nécessaire, les membres recevaient chaque mois une liste de disques et la vente se faisait par correspondance: un envoi de disque(s) en paquets plats protégeant bien le contenu.
Il y avait la possibilité de payer en versements échelonnés les coffrets importants. De plus, il existait une possibilité facile de retour de tout disque. Le prix des disques était bien inférieur au prix des disques du commerce, d’environ 30 à 40%. Cela tenait à la grande diffusion des disques, mais aussi au fait qu’orchestres et artistes n’étaient pas des «stars» vedettes, ou des artistes au début de leur carrière. C'est ce qui rend certains de ces disques aujourd'hui très intéressants, s'agissant des premiers disques d'artistes plus tard très connus.
Les prises de son et les enregistrements étaient de qualité, correspondant aux normes de l’époque. Les premiers disques produits étaient monophoniques, mais on vit apparaître, à la fin des années 1950, les premiers disques stéréophoniques. La qualité des pressages des vinyles était toujours exemplaire. Dans ces années d'après-guerre beaucoup de disques furent gravés et pressés en Suisse, chez Turicaphon, une entreprise qui existe encore aujourd'hui. Ces disques gravés et pressés en Suisse portent souvent le sigle "TU" au bas de l'étiquette, et éventuellement gravé avec la désignation de la matrice. C'est aussi le seul sigle qui permet d'identifier formellement la production: autrement les disques ont été produits à divers endroits, mais qui ne peuvent plus être identifiés formellement.
Extension en Europe
En 1953, le label se développa en France, et il fut créé la Guilde internationale du disque (car les sigles MMS ou Concert Hall paraissaient inadaptés pour le public français).
A cette occasion est vendu, en 1953-54, un disque de démonstration de format 25 cm (Bach-Mozart-Beethoven-Schubert ou Bach-Mozart-Beethoven-Tchaikovsky), au prix de 500 A.F. ou 5 nouveaux francs de l’époque. Il en fut vendu des milliers d’exemplaires et cela ouvrit à beaucoup de monde le chemin de la musique. Un magasin fut ouvert au 222, rue de Rivoli à Paris-8°.
Dès 1954 ces enregistrements se répandent dans presque tous les pays d’Europe: en Angleterre, en Allemagne, en Hollande, en Italie, en Suisse et dans beaucoup d’autres pays du monde, jusqu’au Japon.
En 1955, la guilde lance un électrophone de qualité à un prix abordable et en vend 500.000 exemplaires.
En 1957, la guilde publie 2 coffrets importants:
* l’Intégrale des quatuors de BEETHOVEN, par le Quatuor PASCAL: coffret de 10 LP 30 cm/Grand prix du Disque (Il y eut aussi, par les mêmes interprètes, les intégrales des quatuors et des quintettes de MOZART).
* l’Intégrale des 41 symphonies de MOZART, interprétées pour la plupart par l’orchestre philharmonique Néerlandais, dirigé par Otto ACKERMANN. (12 LP 30 cm)
La même année est constitué le «Cercle des collectionneurs», système contestable car il éditait chaque mois un nouveau disque, qui, sauf avis contraire, était expédié automatiquement !
À partir de 1960...
L’année 1960 vit la disparition prématurée des 2 chefs-maison Otto Ackermann, en mars 1960 et Walter Goehr, en décembre 1960.
Une nouvelle période s’ouvrit pour la guilde. La guilde signa des contrats avec des chefs comme:
Charles Munch, Pierre Monteux, Paul Paray, Paul Kletzki, Carl Schuricht, Josef Krips, Hans Swarowsky, Igor Markevitch, Willem van Otterloo, Lorin Maazel, Gianfranco Rivoli, Pierre Boulez, entre autres.
C'est dans l’un de ces disques (un enregistrement des Danses hongroises de Brahms) que David Josefowitz lui-même, violoniste de formation, a fait ses débuts de chef d'orchestre et enregistra ainsi plusieurs disques, avec des orchestres réputés.
La G.I.D. enregistra avec plusieurs orchestres européens. comme l'Orchestre des Concerts Colonne & Pasdeloup, l’Orchestre «des Concerts de Paris» (un orchestre dont l'identité n'a jamais pu être établie avec certitude), l’Orchestre national de l’ORTF, l’orchestre de l’Opéra de Paris, l'Orchestre de l'Opéra d’état de Vienne, l’orchestre de l’Opéra de Monte-Carlo, l’orchestre symphonique de Radio-Francfort, l’orchestre NDR de Hamburg, l’orchestre RSO de Berlin, l’orchestre de Rotterdam, l’orchestre de la Résidence de La Haye, l’orchestre de la Tonhalle de Zürich, le Collegium Academicum de Genève, et bien d’autres encore.
Des artistes solistes de premier plan furent enregistrés, par exemple Lili Kraus, Nikita Magaloff, Menahem Pressler, Vlado Perlemuter, Friedrich Gulda, Christian Ferras, Franco Gulli, Tibor Varga, Wolfgang Schneiderhan, entre autres...
Par ailleurs, il y eut l’ouverture, à partir de 1960, de magasins spécifiques, consacrés au label, dans plusieurs villes de France.
Les oeuvres
Au départ la musique orchestrale constitua l’essentiel de l'offre de MMS, mais une attention particulière fut également accordée à...
* la musique de chambre (Oeuvres pour piano, Intégrales des quatuors de Mozart et Beethoven entre autres)
* la réalisation de nombreux opéras (de Mozart, Bizet, Gounod, Verdi, Puccini etc...) ainsi que d’opérettes classiques.
Par ailleurs on peut signaler un sous-label: «Varieton», consacré aux oeuvres de variétés et de musique légère.
Quelques dates:
En 1961, la Symphonie Fantastique d’Hector BERLIOZ, dirigée par P.M. Leconte atteignit un record des ventes (225.000 exemplaires).
En 1962: 1° album des grandes réalisations historiques: «La révolution Française» (Grand Prix du Disque).
En 1964: Création de la Ronde des Enfants, collections pédagogiques.
Publication du «Sacre du Printemps» de STRAVINSKY, par l’orchestre national de l’ORTF, dirigé par Pierre BOULEZ (3 Grands Prix du Disque).
En 1970, à l’occasion de l’année BEETHOVEN, la Guilde publie une intégrale de l’oeuvre de ce compositeur: 67 disques en 11 coffrets (60.000 souscriptions).
En 1973, un album de 2 disques, consacré à 5 musiciens français (Poulenc, Sauguet, Milhaud, Satie, Auric), dirigé par Igor Markevitch, obtint le Prix du Président de la République.
En 1975, la guilde fait paraître des collections prestigieuses comme:
- l’Univers féerique de l’Opéra
- Les cathédrales de la musique
- Les chefs-d’oeuvre des Grand Maîtres
- Les joyaux de la Musique Légère
- L’Histoire du Jazz
- Les chants et Danses autour du monde.
Au début des années 1980, la guilde cessa son activité. En 1986, elle fusionna avec la maison d’édition ATLAS qui sortit plusieurs séries d’enregistrements édités sur CD pour la première fois: en 1988 «Références de la Guilde», puis d’autres séries dont une consacrée à l’Opéra, une consacrée à la musique sacrée...
Vers la fin des années 1980... disparition de ces labels et fin de l'histoire...
Il nous reste heureusement un grand nombre de magnifiques disques, comme par exemple ce splendide vinyle rouge, un enregistrement mythique avec le jeune Hughes Cuénod - qui nous a hélas quitté il y a peu de temps à l'âge incroyable de 108 ans - et Walter Goehr: Monteverdi, Il combattimento di Tancredi e Clorinda...