Récital de Boris CHRISTOFF
Hans ROSBAUD, piano
21 juillet 1955
Festival d'Aix-en-Provence
Le 21 juillet 1955 Boris CHRISTOFF donnait, au Festival d'Aix-en-Provence, un récital avec le chef d'orchestre Hans ROSBAUD au piano. Seulement une partie de ce concert a été sauvegardée, ceci grâce à sa diffusion le 28 juillet 1955 sur Paris Inter (RTF): quelques airs italiens, des lieder de Robert Schumann et de Franz Schubert, et des mélodies de Modest Moussorgski - la spécialité de Boris Christoff alors au meilleur de sa forme.
Cliquer sur les titres ci-dessous pour quelques informations et les textes avec leur traduction en français.
a) Alessandro Stradella, «La forza dell'amor paterno», G.2.1/3, dramma per musica (Genua, Teatro Falcone, 1678), air «Così amor mi fai languir» (Ainsi, amour, tu me fais languir)
Le texte en italien:
Cosi, amor, mi fai languir, mi fai languir
Cosi , amor, mi fai languir, mi fai languir
Non è mio cio che desio,
Chi mi fugge seguir deggio e chi si strugge nel mio foco,
Nel mio foco ho da fuggir,
E chi si strugge nel mio foco,
Nel mio foco ho da fuggir.
Cosi, amor, mi fai languir, mi fai languir
Cosi , amor, mi fai penar, mi fai penar,
Cosi, amor, mi fai penar, non mi penar,
Non mi dai chi tan to a mai,
Il mio bene scacciar deggio e mi conviene chi non amo,
Chi non amo pur amar,
E mi conviene chi non amo,
Chi non amo pu amar.
Cosi amor mi fai penar, mi fai penar
Une traduction citée de cette page du site www.portail-traduction.fr:
Ainsi, amour, tu me fais languir, tu me fais languir,
Ainsi, amour, tu me fais languir, tu me fais languir,
Ce que je désire n’est pas mien,
Je dois suivre celui qui me fuit, et celui qui se consume dans mon feu,
Dans mon feu je dois le fuir,
Et celui qui se consume dans mon feu,
Dans mon feu je dois le fuir.
Ainsi, amour, tu me fais languir, tu me fais languir,
Ainsi, amour, tu me fais souffrir, tu me fais souffrir,
Ainsi, amour, tu me fais souffrir, ne me fais pas souffrir,
Tu ne me donnes pas celui que j’aimai tant,
Je dois oublier mon propre bien, et celui que je n’aime pas me convient,
Celui que je n’aime pas d’amour,
Et celui que je n’aime pas me convient,
Celui que je n’aime pas d’amour.
Ainsi, amour, tu me fais souffrir, tu me fais souffrir
Une traduction en anglais citée de «Word-by-Word Translations of Songs and Arias, Part II: Italian: A Companion to the Singer's Repertoire», Daniel Harris et Arthur Schoep, Scarecrow Press, 01.11.1993, page 449:
b) Antonio Caldara, «Come raggio di sol» (Comme un rayon de soleil)
Le texte en italien:
Come raggio di sol mite e sereno,
Sovre placidi flutti si riposa,
Mentre del mare nel profondo seno
Sta la tempesta ascola:
Così riso talor gaio e pacato
Di contento, di gioia un labbro infiora,
Mentre nel suo segreto il cor piagato
S’angoscia e si martora.
Traduction en français citée de cette page du site www.guitare-musique.be:
Comme un rayon de soleil, doux et serein,
qui se repose sur une mer d’huile calme,
alors que dans les profondeurs de la mer, en son cœur
la tempête s’y trouve, cachée:
alors il se peut qu’un sourire si gai et paisible
de contentement, de joie fleurisse sur les lèvres
tandis que, dans son secret, le cœur meurtri
se torture d’une angoisse secrète
Traduction en français citée de cette page du site www.cucumis.org:
Comme un rayon de soleil doux et serein
Sur les flots placides il se repose,
Pendant que de la mer au sein de la profonde Seine
La tempête sévit toujours:
Ainsi rit quelquefois gai et calme
Contente de joie une lèvre fleurit
Pendant que dans son secret le cœur blessé
Se tourmente et se crucifie.
Une traduction en anglais citée de «Word-by-Word Translations of Songs and Arias, Part II: Italian: A Companion to the Singer's Repertoire», Daniel Harris et Arthur Schoep, Scarecrow Press, 01.11.1993, page 28:
c) Ludwig van Beethoven, «In questa tomba oscura», WoO 133 (Dans cette tombe obscure), Text: Giuseppe Carpani
"[...] Ariette sur des paroles de Carpani, l'un des premiers biographes de Haydn, In questa tomba oscura (Dans cette tombe obscure; 1807) WoO 133 est la soixante-troisième version d'un même texte à la fin d'un recueil collectif. Beethoven, qui avait étudié le style italien auprès de Salieri, construit comme un da capo ce chant solennel qui invoque l'amante infidèle à laisser reposer le coeur de l'amant en paix dans les ténèbres. Dans le volet A, grave et majestueux, la voix résonne, quasi a cappella (seuls, quelques accords épars), tandis que dans le B, plus lyrique, la douleur perce sur un déferlement de trémolos violents. La reprise souligne l'accusation par l'ajout du terme «ingrata» venant fermer la tombe obscure. [...]" cité du Guide de la mélodie et du lied, Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel, page 62
In questa tomba oscura
Lasciami riposar;
Quando vivevo, ingrata,
Dovevi a me pensar.
Lascia che l'ombre
ignude Godansi pace almen
E non, e non bagnar mie ceneri
D'inutile velen.
Pour diverses traductions voir cette page du site www.lieder.net.
d) Robert Schumann, «Der arme Peter» (Le pauvre Pierre), op. 53 No 3 (Romanzen und Balladen für Singstimme und Klavier (Heft 3)), texte de Heinrich Heine
"[...] Der arme Peter (Pauvre Pierre; Heine, c. avril 1840). Cycle miniature en trois volets. Loin d'un vaudeville de la jalousie à trois personnages (Grete et Hans se contentent de danser après leurs noces), se joue pour le seul Peter, le drame de l'exclusion et de la solitude, qui obsède Schumann (cf. Dichterliebe n° 9, Der Spielmann ).
I. Accord de sol majeur appoggiaturé (le ménétrier accorde sa vièle) et style de landler populaire aux accents décalés.
II. En mi mineur, rapide mélodie zigzagante à degrés mobiles, comme l'instabilité de Pierre, apaisement apparent, puis lento tragique - Pierre gagne la montagne et pleure en silence - avant le postlude agité.
III. Fusion du 3/4 du premier lied et du mi mineur du second pour une marche funèbre dérisoire et compatissante qui cite le lento du II: Pierre meurt de cela même qui l'a fait souffrir. Degré à degré, comme un chemin de croix, ascension vocale de neuvième, puis retombée: la ligne du destin s'est refermée. Encore une «noce tragique», encore un chef-d'oeuvre.[...]" cité du Guide de la mélodie et du lied, Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel, page 924
I
Der Hans und die Grete tanzen herum,
Und jauchzen vor lauter Freude.
Der Peter steht so still und stumm,
Und ist so blaß wie Kreide.
Der Hans und die Grete sind Bräut'gam und Braut,
Und blitzen im Hochzeitgeschmeide.
Der arme Peter die Nägel kaut
Und geht im Werkeltagskleide.
Der Peter spricht leise vor sich her,
Und schaut betrübet auf beide:
»Ach! wenn ich nicht gar zu vernünftig wär,
Ich täte mir was zuleide.«
II
»In meiner Brust, da sitzt ein Weh,
Das will die Brust zersprengen;
Und wo ich steh, und wo ich geh,
Will's mich von hinnen drängen.
Es treibt mich nach der Liebsten Näh',
Als könnt's die Grete heilen;
Doch wenn ich der ins Auge seh,
Muß ich von hinnen eilen.
Ich steig hinauf des Berges Höh',
Dort ist man doch alleine;
Und wenn ich still dort oben steh,
Dann steh ich still und weine.«
III
Der arme Peter wankt vorbei,
Gar langsam, leichenblaß und scheu.
Es bleiben fast, wenn sie ihn sehn,
Die Leute auf der Straße stehn.
Die Mädchen flüstern sich ins Ohr:
»Der stieg wohl aus dem Grab hervor.«
Ach nein, ihr lieben Jungfräulein,
Der legt sich erst ins Grab hinein.
Er hat verloren seinen Schatz,
Drum ist das Grab der beste Platz,
Wo er am besten liegen mag,
Und schlafen bis zum Jüngsten Tag.
cité de cette page du site www.heinrich-heine.net.
Pour diverses traductions voir cette page du site www.lieder.net.
e) Franz Schubert, «Erlkönig» (Le Roi des Aulnes), Op. 1, D 328, texte de Goethe
Franz Schubert aurait composé ce chef d'oeuvre qu'est «Le Roi des Aulnes» dans un moment d'intense exaltation: en lisant ce poème de Goethe – un intermède pour le Singspiel Die Fischerin – «[Schubert] faisait les cent pas en tenant le livre en mains, soudain, il s'assit, et en un instant, aussi vite qu'on peut écrire, la magnifique ballade était sur le papier». Une phrase souvent citée, un souvenir sans doute embelli de l’un des amis de Schubert, Joseph von Spaun, témoin oculaire de la naissance du Roi des Aulnes.
Difficile de croire que l’oeuvre, très sophistiquée, ait été composée aussi vite. Trois versions ont d'ailleurs précédé la version définitive, qui fut publiée sous le numéro d’opus 1 en 1821, donc six ans après la première esquisse. La spontanéité de la composition dont témoigne von Spaun n’a donc nullement satisfait l’auteur, qui en remania de manière conséquente les différentes parties pour en rendre la progression dramatique plus crédible et plus naturelle.
"[...] Schubert choisit de condenser ce drame miniature en une ballade d'une seule coulée. S'il renonce aux ruptures climatiques (et notamment, à l'exception d'une chute qui n'en sera que plus forte, au récitatif), c'est pour unifier à l'extrême le discours: tonalité unique, obsédante (sol mineur), et quasi-permanence de deux cellules génératrices. Le continuum d'une vibration de croches en triolets assure, comme le rouet de Marguerite, une double fonction poétique, tout à la fois chevauchée et frémissements d'angoisse du père, de terreur de l'enfant; au-dessous, un motif grondant s'en va rameuter dans le grave les puissances de la nuit, de la forêt et de l'inconscient.
D'entrée de jeu, le piano se fait tempête, des éléments et des âmes. Prodigieuse prise du pouvoir de l'instrumental: le clavier dépossède à son profit les mots et la mélodie de leur fonction d'évocation, tandis que la voix se borne à déclamer comme «au ralenti» le poème - non sans approximations dans le respect de la métrique, d'ailleurs, mais pour préserver, constance schubertienne, sa primauté à la ligne vocale. Sur ce schéma s'individualisent les trois personnages; dès l'introduction, le père caractérisé par une quarte ascendante, et le fils par une seconde, intervalle que s'approprie le roi pour mieux le toucher. Musicalement isolé, celui-ci joue de la séduction, sur modifications de la formule pianistique qui, tout en maintenant la tension de la battue en triolets, prend les figures de danses enjôleuses et irrésistibles. Trois interventions (quatrains 3, 3, 7a), presque sans voix: d'abord charmeuse, susurrante, en si bémol majeur; plus pressante, en ut majeur; la dernière, enfin, se veut suave (enchaînant de ré mineur au ton napolitain, si cher à Schubert, de mi bémol) pour mieux menacer en retournant à ré. A chaque invite, l'enfant manifeste sa frayeur, montant également par paliers (sol, la, si bémol mineur ramenant en sol mineur), d'abord par un cri que renforce une saisissante dissonance (neuvième sur pédale de dominante), puis une ligne chromatique ascendante. Au père, dans le grave, de rassurer en phrases bonhommes, sur des cadences. Quant au narrateur, qui avait mené l'exposition d'un ton quasi impersonnel, il lui relient de conclure avec le dernier quatrain. Le continuum de triolets se dilate à trois octaves, «crescendo», «accelerando», montée chromatique de la basse, tension croissant jusqu'au sommet d'intensité dramatique, l'arrivée du cavalier en sa cour: la bémol majeur (relation napolitaine, encore, avec sol mineur), le mouvement se débande. Rupture: épilogue en neuf notes seulement d'un saisissant récitatif. Dans ses bras, l'enfant est mort. «Forte», deux vigoureux accords de cadence. Tout est dit.[...]" cité du Guide de la mélodie et du lied, Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel, pages 823-824.
Voir aussi cette analyse de Jean-Marc Onkelinx, musicologue-conférencier, une page du site jmomusique.skynetblogs.be.
Le texte:
Wer reitet so spät durch Nacht und Wind?
Es ist der Vater mit seinem Kind;
Er hat den Knaben wohl in dem Arm,
Er faßt ihn sicher, er hält ihn warm.
«Mein Sohn, was birgst du so bang dein Gesicht?» -
«Siehst, Vater, du den Erlkönig nicht?
Den Erlenkönig mit Kron' und Schweif?»
«Mein Sohn, es ist ein Nebelstreif.»
"Du liebes Kind, komm, geh mit mir!
Gar schöne Spiele spiel ich mit dir;
Manch bunte Blumen sind an dem Strand,
Meine Mutter hat manch gülden Gewand."
«Mein Vater, mein Vater, und hörest du nicht,
Was Erlenkönig mir leise verspricht?»
«Sei ruhig, bleibe ruhig, mein Kind:
In dürren Blättern säuselt der Wind.»
"Willst, feiner Knabe, du mit mir gehn?
Meine Töchter sollen dich warten schön;
Meine Töchter führen den nächtlichen Reihn
Und wiegen und tanzen und singen dich ein."
«Mein Vater, mein Vater, und siehst du nicht dort
Erlkönigs Töchter am düstern Ort?»
«Mein Sohn, mein Sohn, ich seh es genau:
Es scheinen die alten Weiden so grau.»
"Ich liebe dich, mich reizt deine schöne Gestalt;
Und bist du nicht willig, so brauch ich Gewalt."
«Mein Vater, mein Vater, jetzt faßt er mich an!
Erlkönig hat mir ein Leids getan!»
Dem Vater grauset's, er reitet geschwind,
Er hält in Armen das ächzende Kind,
Erreicht den Hof mit Müh' und Not:
In seinen Armen das Kind war tot.
Traduction de Jules Abrassart (1826 - 1893):
Si tard la nuit qui traverse le val?
Un père - avec son enfant - à cheval.
Il tient serré le petit dans ses bras,
Il le réchauffe et lui parle tout bas.
- Pourquoi, mon fils, te cacher plein d'effroi?
- Des Aulnes, père, ah! regarde le Roi,
Couronne en tête et vêtu de brocart!
- Enfant, ce n'est qu'un mobile brouillard.
"Charmant petit, je te veux rendre heureux.
Viens à ma cour partager tous mes jeux.
De mes jardins viens cueillir le trésor;
Pour toi ma mère a de longs voiles d'or!"
- O père, père! entends-tu qu'il dit,
Le Roi des Aulnes, le spectre maudit?
- Non, sois un paix, reste en paix, mon enfant:
Ce sont les feuilles qu'agite le vent.
"Combien, mignon, si tu sais m'obéir,
Mes filles vont te gâter, te chérir!
Pour être admis à leurs rondes le soir,
Pour les charmer, tu n'auras qu'à vouloir."
- O père! Hélas! que j'ai peur! Sauve-moi!
Vois-tu dans l'ombre les filles du Roi?
- Sois calme, enfant: c'est d'un morne bouleau
Le front épars qui s'incline sur l'eau.
"Je t'aime, allons! ton beau corps me séduit
Et sous mon joug malgré toi te réduit!"
- O père, père! Ah! le monstre infernal,
Le Roi des Aulnes m'a fait bien du mal!
L'enfant suffoque impuissant à crier...
Saisi d'horreur et hâtant son coursier,
Le père arrive au logis...Vain effort!
Le pauvre enfant dans ses bras était mort.
voir aussi ces autres traductions du site www.lieder.net:
traductions 1, traductions 2
f) Modeste Moussorgski, Chants et Danses de la Mort, Trèpak
Avec son cycle de quatre mélodies «Pesni i pliaski smerti» (Chants et Danses de la Mort), Moussorgski réalise son oeuvre la plus impressionnante dans le domaine de la mélodie, et l'un des sommets dans toute l'histoire de ce genre. "[...] L'idée générale émane de Vladimir Stassov. Les textes poétiques de Golenistchev-Koutouzov ont été vraisemblablement écrits d'après des suggestions précises du compositeur. Quoi qu'il en soit, ils représentent bien un aboutissement de sa philosophie pessimiste, qu'ils reflètent sous un aspect différent de celui, intimiste et introspectif, de «Sans soleil». C'est une certaine objectivation de la peur devant la mort, exprimée sous des formes personnifiées rappelant assez les gravures allégoriques du Moyen Âge, et aussi le reflet de la terrible contradiction de l'esprit de Moussorgski, qui se disait matérialiste et adepte de Darwin, ne voyant dans la mort que le néant absolu, et s'efforçait vainement de dominer ainsi ses angoisses mystiques. Ces quatre mélodies présentent un plan semblable: introduction à la troisième personne, le chanteur faisant office de récitant, puis monologue de la Mort fou, dans la seule Berceuse, dialogue avec un autre personnage). Successivement, ont été composés «Trèpak» (17 février 1875), «Berceuse» (14 avril 1875), «Sérénade» (11 mai 1875) puis, plus tard, «Le Chef d'armée» (5 juin 1877). Le manuscrit les présente dans un ordre différent, débutant par la «Berceuse», et mettant le «Trèpak» en troisième position (les dates de ces deux mélodies ne sont pas indiquées par Moussorgski, mais rapportées par Stassov). Dans cet ordre, le cycle présente une progression continue du dynamisme. Mais la première édition, posthume (Bessel, 1882), par les soins de Rimski-Korsakov, respecte l'ordre chronologique, rendant ainsi la conception dynamique de l'ensemble comparable aux quatre mouvements d'une symphonie. Dans la version Moussorgski, les deux premières pages sont des scènes de chambre, les deux suivantes, des scènes d'extérieur. [...]" cité du Guide de la mélodie et du lied, Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel
Pour ce récital, Boris Christoff et Hans Rosbaud ont choisi le «Trèpak»:
"[...] Dérivé du verbe «trépat», qui signifie à la fois secouer et ébouriffer, ce mot désigne une danse populaire ukrainienne très vive, à deux temps. (Pour éviter une erreur fréquemment commise, précisons que ce mot n'a rien à voir avec le trépas.) C'est dans un Trèpak fatal que la Mort entraîne un vieux paysan ivre, égaré la nuit dans une tempête de neige. «Forêts et clairières, tout est désert alentour». Les premières mesures donnent la double sensation d'un vide désincarné et glacial, et déjà de la présence macabre: accords de quinte creuse, et en-dessous le sourd grondement des quatre notes do-si-do-la, incipit du Dies irae médiéval. La partie vocale, de son côté, ébauche dès la quatrième mesure le futur motif de la danse. Le décor s'anime à mesure que la nature du drame se précise, et le martèlement de la cellule dansante - une longue, deux brèves - s'installe à la partie pianistique. La danse débute réellement à l'indication «allegretto moderato e pesante», avec la simplicité populaire de son motif et sa solide carrure rythmique, harmonisée par de puissants accords, bientôt corsés d'acciacatures sardoniques. Pour l'essentiel, le schéma rythmique se maintiendra à la voix tout du long, les principales modifications tenant à la nature de l'accompagnement: blizzards de gammes chromatiques balayant plusieurs octaves puis se transformant en reptations à la main gauche, martèlement ostinato de triolets, puis dans l'épilogue installation d'un mouvement berçant d'arpèges, sur lequel vient se greffer sporadiquement un rappel du Trèpak. L'épilogue apporte une antithèse: ayant enseveli le paysan sous la bourrasque, la Mort décrit la douceur de l'été qui refleurira au-dessus de lui, avec les chants des moissonneurs et le vol des oiseaux. Mais les quatre mesures de la coda au piano ramènent à l'idée initiale: ultime rappel du Trèpak, et cadence sur trois blêmes accords de quinte à vide (III-V-I en ré), évocateurs de la rigidité cadavérique.[...]" cité du Guide de la mélodie et du lied, Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel, pages 616-617
La traduction suivante est citée de ce livret du coffret de 3 CDs Chandos CHAN 9336.
Tout est silence, les bois sont déserts,
Et la bise pleure, soupire;
On dirait qu'au loin, dans l'obscure nuit.
Passe d'un mort le cortège... oui! C'est cela! Dans la nuit.
C'est la mort qui a saisi un pauvre homme.
Et le caresse et l'entraîne au trepak, à son oreille elle chante:
"Hoï! paysan tout casse, tout pauvre, tu as trop bu, ta démarche est lasse...
L'ouragan de neige gronde et tourbillonne.
Et dans les bois sombres te pousse et t'égare.
Toi qui est triste, brisé, sans force.
Viens, couche-toi. et t'endors, pauvre homme!
J'aurai pour te réchauffer ma neige blanche;
Tout autour de toi je mènerai la danse.
Dresse le lit, tourbillon candide!
Hoï! chante donc, chante donc, tempête!
Un beau chant, qui dure jusqu'à l'aube pâle.
Pour bercer le somme de ce pauvre diable.
Hoï! vous, forêts, vous grands deux, nuages,
Tempête, nuit et flocons de neige.
Tissez un suaire, duveté et tendre.
Pour border la couche du vieillard qui rêve...
Viens, doux ami. le bonheur t'appelle:
Voici l'été revenu!
Le clair soleil rayonne aux plaines;
Les moissons mûrissent, la chanson s'arrête
Les oiseaux s'envolent...
Voir aussi ces traductions du site www.lieder.net:
traduction 1, traduction 2.
g) Modeste Moussorgski, «Listia choumeli ounylo» (Les feuilles bruissaient lugubrement, ou Sourdement bruissaient les feuilles), texte: Aleksey Pleshcheyev (1859)
Ce chant appartient aux dix-huits premières mélodies que Moussorgski a écrit entre 1857 et 1866, rassemblées par le compositeur en un recueil intitulé «Younyïé gody» (Années de jeunesse). «Listia choumeli ounylo», sur un texte du poète lyrique Plestcheiev, décrit un enterrement nocturne. "[...] Le trémolo lent et continu du piano brosse le décor obsédant sur le fond duquel s'élève un chant aussi sobre et laconique que poignant. Mais à l'opposé de «Où es-tu petite étoile», qui était imprégnée de folklore russe, c'est ici une page dans la pure lignée du romantisme germanique.[...]" cité du Guide de la mélodie et du lied, Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel
La traduction suivante est citée de ce livret du coffret de 3 CDs Chandos CHAN 9336.
Le vent se plaint sur les feuilles,
Le feuilles du bois dans la nuit.
Vois dans la tombe descendre
Blanc sous la lune un cercueil!
Sans bruit la terre couvre
Et les voilà tous partis,
En se signant sur la tombe.
Le vent se plaint jusqu'au jour.
Voir aussi cette traduction du site www.lieder.net.
h) Modeste Moussorgski, Douïout vietry, vietry bouïnyié (Vents d'orage, ou Les vents violents soufflent), texte de Aleksey Vasil'yevich Kol'tsov, 1864
Cette superbe ballade russe appartient aux dix-huits premières mélodies que Moussorgski a écrit entre 1857 et 1866, rassemblées par le compositeur en un recueil intitulé «Younyïé gody» (Années de jeunesse). Elle "[...] déploie des moyens vocaux et pianistiques considérables. Le thème principal, très ample et fougueux, abonde en intervalles de quarte et de quinte, constantes du folklore russe. [...]" cité du Guide de la mélodie et du lied, Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel
La traduction suivante est citée de ce livret du coffret de 3 CDs Chandos CHAN 9336.
Les vents d'orage passent en hurlant.
Par le ciel les noirs nuages roulent à grands flots obscurs.
Plus rien, pas un seul rayon de jour.
La lumière est morte, le soleil a perdu sa force.
Mais dans les ténèbres, dans l'obscurité.
C'est la nuit, c'est l'impénétrable nuit.
Les vents d orage passent en hurlant.
Par le ciel les noirs nuages roulent grands flots obscurs.
Voir également cette traduction du site www.lieder.net.
i) «Pesnia Mephistophelia v pogrebke Auerbacha», La Chanson de Méphistophélès dans la taverne d'Auerbach (Chanson de la puce), d'après le poême de Goethe, adapté par Strougovstchikov, 1879
Cette avant-dernière mélodie composée par Moussorgski est "[...] l'une des plus célèbres, et tranche avec les précédentes. Elle est dédiée à la cantatrice Daria Leonova, dont Moussorgski était l'accompagnateur, et auprès de qui il trouva un certain réconfort dans les dernières années de sa vie. Avec son humour spécifique, Moussorgski emboîte le pas à Beethoven et à Berlioz. Les sept mesures d'introduction contiennent, enchaînés, les éléments thématiques et illustrateurs de l'histoire: accords solennels (la cour), figure rythmique avec une cellule de cinq notes montantes, celles du rire-refrain qui ponctue la chanson , enfin staccatos précipités imitant les sauts de la puce.
Les couplets et les répliques répartissent ensuite les personnages, à la première ou la troisième personne : le récitant, l'intervention du roi, l'aparté du tailleur («Un caftan pour une puce?»). La solennité grotesque du parasite admis à la cour et décoré (à noter les dissonances éloquentes dans les accords de l'accompagnement, frottement de si à la basse contre la dièse à la main droite!), et tous les désagréments qui s'ensuivent pour l'entourage, aboutissent au terrible déferlement de rire final après les derniers vers [...]. Prévue pour une voix de baryton ou basse chantante (bien que la partie vocale semble avoir été originalement notée en clé de sol), cette chanson a été popularisée par les interprétations et l'enregistrement de Chaliapine, avant de faire partie des «must» de tous les grands chanteurs. Elle a été orchestrée par Stravinsky en 1914.[...]" cité du Guide de la mélodie et du lied, Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel
La traduction suivante est citée de ce livret du coffret de 3 CDs Chandos CHAN 9336.
Autrefois une puce vivait auprès d'un roi, d'un roi!
Elle lui était plus chère que femme, amis, parents
Ha, ha, ha..! La puce!
Un bon tailleur on manda: "Tu vas couper, butor!
Pour mon amie que j'aime - un habit de velours".
Un bel habit. Ha. ha. ha. ha. ha! La puce?
Ha. ha. ha..! La puce?
Un bel habit!
On habille la puce de beau velours et d'or;
Voilà qu’elle est maîtresse de tous les courtisans.
Ha. ha. ha..! La puce!
Elle est nommée ministre, reçoit le grand cordon:
Bientôt les autres puces sont puissantes aussi!
Ha. ha! Dès lors la pauvre reine.
Les dames de sa cour
Souffrirent mille peines et maudissaient la vie;
Ha. ha! N'osant tuer les puces, ni même se gratter.
Mais nous, quand on nous pique, nous savons bien frapper!
Ha. ha. ha..!
j) Modeste Moussorgski, Seminarist (Le Séminariste), 1866
En 1866 Moussorgski écrit trois mélodies, qui marquent le début d'un courant réaliste et humoristique, des croquis sociosatiriques: Chère Savichna, Ah toi maudis ivrogne et le Séminariste.
"[...] Seminarist (1866) épingle avec délectation un futur représentant du culte. «Panis, piscis, crinis, finis», le jeune séminariste ânonne désespérément les mots latins que le pope l'a obligé à apprendre, mais son esprit est trop préoccupé par la mésaventure qu'il vient de vivre. Il a commis le péché de lorgner pendant la messe les rondeurs de la fille du pope; alors, le pope lui a flanqué une raclée, au point qu'il en a maintenant des pertes de mémoire. Toute la pièce fait alterner les récitations lugubres du vocabulaire latin, faisant office de refrain, avec des évocations, bribe par bribe, des malheurs du gars. Des motifs imités de la liturgie orthodoxe côtoient des accents populaires empreints d'une ardeur fruste, avec parfois des images d'un certain érotisme («sa poitrine blanche et bombée frémissait sous sa chemise»). Moussorgski a noté deux versions, avec quelques différences de détail. Une dizaine d'années plus tard il mettra en scène un personnage du même acabit dans «La Foire de Sorotchintsi»: Afanassi Ivanovitch, fils de pope, venu courtiser Khivria, une dame d'âge mur.[...]" cité du Guide de la mélodie et du lied, Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel
La traduction suivante est citée de ce livret du coffret de 3 CDs Chandos CHAN 9336.
Panis, piscis, crinis, finis, ignis, lapis, pulvis, cinis...
Ah toi! malheur, mon malheur!
Orbis, amnis et canalis...
Combien il m'en a donné, le méchant pope.
De coups sur la tête, et sur la nuque sa bénédiction.
C'est grâce à sa sainte poigne que ma mémoire s’est perdue...
Fascis, axis, funis, ensis, fustis, vestis, vennis, mensis...
Elle a tant d appâts la fille à Simeon, le pope.
Les joues telles deux pivoines et des yeux langoureux.
Et sa gorge de cygne palpite sous la blouse légère.
Fascis, axis, funis, ensis, fustis, vestis, vermis, mensis...
Oh! toi! Stiocha, ma belle, combien je t'embrasserais en rêve,
Sur ma poitrine je te presserais si fortement!
Postis, follis, cucumis, atque pollis, atque pollis, cucumis...
Mais l'autre jour pendant un Te Deum
Pour la très sainte glorieuse et vénérée Mitrodora
Je lisais au livre six un verset.
Quand vers Stiocha mes yeux de côté se tournèrent pour la voir.
Et moi de la gauche du choeur je la contemplais
D'un oeil plein de tendresse.
Mais là!...le diable de pope s'en avise.
Et mon nom il le note sur son livre.
Alors sur la nuque le brigand m'assène sa bénédiction.
M'enfonce avec sa poigne le lexique dans le crâne.
Orbis, amnis et canalis, et canalis, sanguis, unguis et annalis...
Pourquoi fus-je tenté par le diable ce jour dans la sainte
Eglise du bon Dieu?
Amnis et annalis, sanguis, unguis et canalis...
Ce récital provenant des archives de la RTF - resp. de l'INA - est le seul document sonore connu réunissant Boris Christoff et Hans Rosbaud (d'après la discographie de Hans Rosbaud établie par Joan Evans).
Voici donc...
Récital de Boris Christoff, basse, Hans Rosbaud, piano, 21 juillet 1955, Aix-en-Provence
a) Alessandro Stradella, «Cosi amor mi fai languir» 02:33
b) Antonio Caldara, «Come raggio di sol» 03:37
c) Ludwig van Beethoven, «In questa tomba oscura» 03:35
d) Robert Schumann, Der Arme Peter, op. 53 n° 3 05:22
e) Franz Schubert, Erlkönig, D 328 03:49
f) Modeste Moussorgski, Trèpak 05:28
g) Modeste Moussorgski, «Listia choumeli ounylo» 03:56
h) Modeste Moussorgski, Les vents d'orage 04:42
i) Modeste Moussorgski, Chanson de Méphistophélès 03:16
j) Modeste Moussorgski, Le Séminariste 03:52
que vous pouvez obtenir en...
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(*) 1 fichier CUE pour les fichiers décomprimés en WAV et 1 fichier CUE pour les fichiers comprimés FLAC, si votre logiciel peut utiliser directement les fichiers FLAC.
Hans ROSBAUD, date ??, photographe ??, lieu ??
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Boris CHRISTOFF, date ??, photographe ??, lieu ??
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