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Courte biographie
07.02.1902 (*), Béziers - ?
Flûtiste et pédagogue français
professeur à l'École Normale de Musique de Paris
(*) Réf.: communiqué par Pascal Gressier, par l'intermédiaire de Günter Rumpel, 15.11.2013

Fernand Caratgé a étudié auprès de Philippe Gaubert, a été entre autres première flûte à l'Orchestre des Concerts Lamoureux et à l'Orchestre de l'Opéra Comique de Paris.
Caratge Fernand WEB
Cette splendide photo - avec une dédicace de Fernand Caratgé à son élève Günter Rumpel - vient de la collection privée de Günter Rumpel, publiée ici avec son aimable autorisation. Tous droits réservés, reproduction interdite sans l'accord écrit de Günter Rumpel.

Les souvenirs de Günter Rumpel (entre autres flûte-solo de l'Orchestre de la Tonhalle de Zürich de 1974 à 2002), qui a étudié auprès de Fernand Caratgé, complétés par Pascal Gresset:

Personne ne connait exactement la vie de Fernand Caratgé. On ne connait même pas sa date de décès (environ 1980). Je peux toutefois vous donner quelques détails dont je suis sûr, parce qu'il me les a lui-même raconté.

Il est né avec un pied-bot. Je pense qu'il souffrait beaucoup de ce "handicap" visible, surtout sur scène. Il travaillait et jouait la flûte assis - c'est probablement la raison pour laquelle il y avait dans son jeu brillant toujours un élément statique. Malgré ses succès, il n'a pas pu faire la carrière qu'il méritait, ce qui a rendu son caractère - en fait charmant et chaleureux - un peu jaloux et amère.

Il a débuté comme flûte solo à l'orchestre de Bucarest. Il connaissait très bien Georges Enescu et m'a raconté une anecdote concernant l'excellent violon Guarneri sur lequel Georges Enescu jouait. Il y avait un jeune luthier à Bucarest qui voulait arriver - ou surpasser - les qualités du célèbre italien. Un jour Enescu invita quelques amis de l'orchestre au Château de Bucarest, avec ses immenses corridors. Il voulait démontrer que son luthier avait atteint le niveau du maître Guarneri. Il avait ouvert toutes les portes, et de la dernière chambre il commencait à jouer, tandis que les "collègues jury" se trouvaient au début du corridor. Il n'y avait pas de contact visuel, seulement accoustique. Le jeune luthier et Enescu furent toutefois surpris que le violon Guarneri portait vraiment beaucoup plus.

Caratgé se plaisait en Roumanie et voyageait beaucoup. Je pense que son épouse - qui ouvrait la porte pendant mes études en 1961/62 - était d'origine roumaine. Elle admirait son mari et portait sa flûte jusqu'à la porte des salles de concert. Il jouait deux flûtes Powell identiques, en argent avec plaque d'embouchure en or. Au point culminant de la maison Powell, pour une telle flûte il y a avait une attente de 7 ans. L'une de ces flûtes a été apportée par Monsieur Powell lui-même avant le concert de l'orchestre Lamoureux, dont Fernand Caratgé était flûte solo pendant la période Markevitch. Caratgé avait osé jouer de cette flûte neuve tout de suite, à Boston, avec Daphnis et Chloé au programme.

Le couple Caratgé n'avait pas d'enfant, mais le flûtiste Roger Bourdin passait très souvent à la rue Lagrange, où il était bienvenu comme un fils. Comme étudiant il avait quelques problèmes d'embouchure et Caratgé était connu comme "docteur embouchure". Roger Bourdin est toutefois décédé jeune, d'une rupture d'anévrisme, une perte qui a extrêmement affecté Caratgé.

Caratgé était fier de ses professeurs Philippe Gaubert et Joseph Rampal, il estimait beaucoup René Le Roy, mais envers Marcel Moyse il restait très critique. Je pense qu'il y avait une histoire autour du poste de professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique - peut-être une promesse qui n'a pas été tenue.

Pendant mes études à Paris mes deux professeurs Gaston Crunelle et Fernand Caratgé étaient flûte solo de l'Opéra Comique de Paris. Avec Caratgé on travaillait beaucoup la sonorité et il disait souvent "ne t'occupe pas du sifflement autour de l'embouchure, fais seulement attention au centre du son".

Je restais quand-même sceptique: un soir à l'Opéra Comique j'étais au dernier rang et la flûte de Caratgé passait avec une clarté comme un cristal.

Quand j'arrivais pour ma leçon à 11h à la rue Lagrange (sixième étage sans accenseur) j'entendais sa flûte déjà au rez de chaussée. À 63 ans il travaillait les Caprices de Paganini par coeur. Pendant la leçon il ne bougeait guère, après une étude il ne disait rien et quelque fois il prenait sa flûte et jouait n'importe quelle étude de virtuosité d'Andersen parfaitement par coeur.

En ce qui concerne son disque J.S. Bach avec Ruggiero Gerlin, il était content de l'enregistrement des deux instruments, mais moins de l'interprétation. Il racontait qu'ils avaient beaucoup argumenté, parce que déjà les tempis ils les sentaient tout différemment. Le disque est un résultat des luttes avec des compromis nécessaires.

Son engagement comme professeur à l'Ecole Normale a été une récompense. Pendant des années il a fait la musique de chambre surtout avec l'ensemble "ars rediviva" et Claude Crussard - alternativement avec Milan Munclinger, Jean-Pierre Rampal et René Le Roy.

Entre 1970 et 1974 il nous a plusieurs fois visité à Berne. Il a aimé cette ville, il y a donné la première audition du concerto de Peter Mieg. Et il connaissait Harry Brown à Baden, où il était souvent invité pour la musique de chambre.

Il s'est remarié à une ancienne élève beaucoup plus jeune que lui. On raconte que ses dernières années étaient difficiles, pauvre et seul dans une maison de retraite.

Parmi ses très nombreux élèves on peut citer Roger Bourdin, Georges Guéneux, Peter Lloyd, Felix Manz. Felix A. Dorigo, le luthier Jacques Lefèvre - Jack Leff (*), Pierre Monty (piccolo de l'Orchestre Lamoureux, Pierre Deville.

Fernand Caratgé a publié aux Éditions Alphonse Leduc une nouvelle édition, revue et complétée, en deux tomes de la célèbre méthode Adès. Cette version revue par Caratgé reste un  modèle du genre pour toutes les méthodes: Caratgé était fier de sa revision. Il y ajoutait une 4e partie moderne et précisait des détails dans les trois parties existantes. C'est aujourd'hui une des meilleures méthode de flûte avec la méthode Taffanel-Gaubert. Également chez Leduc il a publié quelques études et pièces diverses.

Fernand Caratgé changeait souvent entre ses flûtes, et aimait beaucoup essayer différents modèles. Il avait ses deux flûtes "Powell" du même modèle, inline, patte de si, clefs ouverts, tube en argent, plaque d'embouchure et cheminée en or. Tous les deux mois il changeait la flûte pour éviter les problèmes qu'avait vécu Moyse avec sa flûte Lot. Moyse avait une embouchure préférée, avec laquelle il jouait tout le temps et la protégeait minutieusement. Mais c'était une embouchure en maillechort et quand il avait 55 ans cette embouchure était abimée irréparable. Après il n'a plus retrouvé la même qualité de sonorité. Caratgé voulait rester indépendant.

Caratgé ajustait sa flûte toujours soigneusement avant le concert: très jeune, à Bucarest, il avait fait l'expérience qu' à l'orchestre on a de longues pauses, et après il y a souvent une reprise délicate. On n'a pas de temps de préluder, comme Moyse le faisait et le recommandait à ses élèves. Il est très important de trouver immédiatement le contact avec l'instrument. J'étais comme auditeur à un concert de musique de chambre au Festival de Sceaux. Caratgé venait un quart d'heure en avance, ajustait sa flûte et la mettait sur le clavecin. Il y avait partout des microphones parce que c'était transmis en direct à la Radio. Le public applaudit, Caratgé entre sans flûte, la prend de l'endroit où il l'avait mise et commence la délicate sonate en mi mineur de Bach avec une sonorité centrée bien timbrée et claire comme du cristal.

(*) Jacques Lefèvre était le fils de Martial Lefèvre, maître-luthier chez Louis Lot. Et Louis Lot a entre flûtistes une réputation à comparer à Stradivarius pour les violinistes. Mais ses flûtes ne sont presque plus jouées à cause du diapason qu'il a monté et malgré le fait que les flûtes Lot portent très bien, elles sont trop délicates pour les orchestres modernes. Mais pendant l' année de mes études (1962/63) les facteurs de flûtes en France - qui pendant plus que cent ans étaient les meilleurs au monde entier - avaient une crise: ils n'avaient pas fait suffisamment de recherches pour améliorer la flûte, et soudainement en Angleterre et en Amérique le niveau était plus élevé. C'est pourquoi Caratgé avait prêté une de ses deux flûtes "Powell" à Jacques Lefèvre, qui l'a bien étudiée et a trouvé un copain hautboïste qui s'appelait "Jardé" et qui offrait dans son atelier une place à Jacques Lefèvre. Plus tard il est devenu indépendant sous le nom "Jack Leff". Parce que chez "Powell" il y avait une attente de 7 ans et les prix étaient très hauts, j'avais aussi commandé une flûte "Jardé" et plus tard une "Jack Leff", qui étaient de très haut niveau et à un prix raisonnable.

(d'après un courriel de Günter Rumpel, 11.09.2012, complété par un courriel de Pascal Gresset)

Voir aussi les souvenirs de Peter Lloyd sur ses études avec Fernand Caratgé sur cette page en anglais du site larrykrantz.com.